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DERNIÈRE ESCALE AU VANUATU -UREPARAPARA - FIN OCTOBRE 2019





 Imaginez un énorme volcan de 8 km de diamètre culminant à 760 mètres, tout droit sorti des flots mais dont l'un des flancs s'est affaissé, permettant à l'océan de s'y engouffrer. Ainsi s'est formée la baie de Douloup, longue de 3 km au fond de laquelle, derrière une jolie plage et de beaux palétuviers se dissimule le village de Léséréplag.
la baie de Douloup

Le mouillage quand il fait beau....
au fond du fjord, devant le mouillage, le village de Léséréplag, aussi appelé Dive Bay Village

le village de Léséréplag, aussi appelé Dive Bay Village
Sous une pluie battante qui nous permet à peine de voir les flancs du volcan, et juste en même temps qu'un monocoque norvégien, nous entrons dans la baie, pas fâchés de pouvoir nous mettre à l'abri.
Toute la journée, sans discontinuer les trombes d'eau se succèdent, mais qu'importe, très vite une pirogue nous aborde : Niniam un homme d'une cinquantaine d'années vient à bord. Il veut nous prévenir qu'il ne faut surtout pas débarquer car les chefs sont absents du village, partis construire 2 cases-cuisines pour les professeurs. Comme bien souvent, l'école, je devrais dire le centre scolaire, est bâti le plus loin possible du village au milieu de la forêt, un bonne façon d'entretenir une ambiance studieuse, les enfants ne sont pas perturbés par les villageois.

Autrement dit les chefs sont loin, on ne sait pas quand ils vont rentrer. Il y a 9 chefs ici, explique Niniam (pour 200 habitants c'est pas mal...) dont un super chef, représentant de l'état, dont il explique à mots couverts qu'il garde tout ce qu'on lui donne pour lui et ne partage jamais (y compris les subsides du gouvernement...) Ok, message reçu, en attendant mieux nous échangeons quelques vêtements et un bout pour la pirogue contre quelques tomates et de drôles de courges molles... Puis Niniam s'en va faire la même chose avec les Norvégiens, il n'a pas de temps à perdre car ils s'en vont dès demain matin.
Il pleut toujours aussi fort mais cela n'empêche pas une autre pirogue d'approcher, celle là m'étonne, elle n'a pas de balancier et ressemble plus à un canoë. C'est une pirogue des Salomon me dit John son propriétaire.  Il ajoute aussitôt, je suis chef au village et je viens vous souhaiter la bienvenue. John est très jeune, il a une bonne tête et bien qu'il dégouline d'un jus marron issu de sa pirogue, je l'invite à s'assoir dans le cockpit. On se présente, il explique vaguement pourquoi il n'est pas avec les autres, puis de but en blanc annonce, j'ai une demande à faire à ton mari. Yves est tout ouïe "voilà, on a un problème avec notre barque communautaire qui nous permet d'aller à Vanua Lava, l'île la plus proche où se trouve la capitale Sola"
 Il est vrai que Ureparapara est toute seule au milieu de rien il n'y a pas d'aéroport, pas de liaison téléphonique, encore moins internet. Un cargo basé à Santo, appartenant à un Chinois, vient quand il a le temps récupérer le coprah (le seul moyen de gagner de l'argent) et à cette occasion apporte des denrées alimentaires de base comme le sucre, le riz, la farine ou le savon.
Et justement  il n'y a plus rien de tout cela dans l'ile. Il faudrait aller ravitailler à Sola distante de 27 milles, mais la barque, leur "banana boat" comme il l'appelle est trop abîmée pour naviguer... suivez mon regard. Yves laconique répond "demain on débarque et on ira voir cela, tu passes nous chercher à 8h." Je conviens d'apporter tout ce qui me reste de provisions en riz, sucre farine et savon + des vêtements que John a promis de partager.
Le lendemain sous un soleil généreux et dans une liesse générale tout ce que j'apporte est effectivement partagé, John ne garde rien pour lui. Il a hâte de montrer les dégâts sur la barque en polyester . Même si les bras lui en tombe, Yves se sent obligé de faire quelque chose : la barque est un "don de la République française - Liberté, égalité, fraternité" Moralement nous sommes coincés, il faut assurer.

Oh, c'est juste 2 jours et demi de boulot, sous le cagnard et le regard fort intéressé  du "comité de la Barque Communautaire", comprenez  un président, un pilote Jackson, John, Patrick... et bien d'autres, tous trop fiers de se présenter. Déjà ils ont une petite génératrice qui permet à Yves de manier la ponceuse....car il y a 3 énormes fentes dans la structure à réparer et surtout tout le tableau arrière qui ploie sous la poussée des 2 moteurs de 30 chevaux. Des réparations ont déjà été effectuées mais avec des matériaux "merdiques et sans ponçage" (dixit Yves) et ça ne tient pas.
Yves fait couler beaucoup de sueur et de résine (ici elle prend vite avec la chaleur) il enduit et installe plein de tissus de verre et même en carbone (on n'a plus que cela) après avoir longuement poncé et préparé le travail ce qui ne manque pas d'étonner le public de plus en plus nombreux.

Débarquement sur la plage

juste au pied des premières case

200 personnes environ vivent ici
maisons bien entretenues

Dive Bay est un joli village
le sable est ratissé tous les jours devant les cases

chaque famille possède une ou plusieurs pirogues

qu'ils ont l'air de se prêter facilement les uns aux autres

Mais curieusement tous préfèrent utiliser ces pirogues simples

c'est la première fois que nous en voyons au Vanuatu

en fait ce sont des pirogues des Salomon



Il faut dire que les Salomon se trouvent à 120 milles d'ici

sans doute plus maniable que des pirogues à balancier
A bord de celle ci est arrivé un criminel des Salomon qui voulait se cacher à Ureparapara. Il a finalement été renvoyé chez lui et emprisonné


Nous prenons le chemin de l'école, c'est simple



il faut longer tout le fond de la baie sur la plage





Cela prend 20 minutes environ, nous sommes loin du village effectivement



 



on voit qu'il y a eu une aide internationale




les élèves de maternelle


Sur le chemin du retour j'achète ces graines

cuites à l'eau, elles ont goût de châtaignes







 Entre temps, il nous arrive une drôle d'histoire. Nous avons, sans le savoir traversé le terrain du grand chef Nicholson (représentant de l'Etat) et surtout nous sommes allés fouiner (sans savoir que cela lui appartenait) dans une baraque où se trouvait un générateur puissant (mais en panne) qui aurait été mieux adapté aux outils de Yves. En gros on a commis un crime de lèse-majesté, il faut s'excuser.  C'est John qui se charge de cette acrobatie diplomatique. Il faut boire le kava ensemble, lui en offrir un plein seau, plus un petit billet (quand même!)
Je ne vous décris pas toutes les complications de la préparation du kava, du premier coup qu'on boit avec John mais sans le chef et après , juste avant le coucher du soleil, on doit arriver par derrière la maison du chef, traverser une rivière sur un tronc glissant et demander pardon au chef. Je t'en foutrais moi du pardon, mais faut pas rire. Le chef attend, debout avec sa canne de chef et son pendentif en dent de cochon. .. John prend la parole, puis je m'incline et présente mes excuses au nom de la méconnaissance des coutumes.... Nous donnons le seau de kava accompagné d'une enveloppe avec 1000 vatu (7.70 €) et un paquet de cigarettes. Cela plait beaucoup, le chef pardonne, Yves a droit a une belle dent de cochon et la femme du chef me donne un beau collier de graines. L'affaire est close, on se casse. On part tous les trois à bord boire du kava... on va finir par aimer ça !

Un matin il fait si beau qu'on s'accorde quelques heures de récréation pour aller au sommet de la montagne. Niniam nous sert de guide, nous commençons par traverser un grand pâturage où traîne une bâche en plastique. Niniam râle
- "je n'aime pas ça, je ne sais pas s'il faut les brûler ou les enterrer pour s'en débarrasser
- tu sais, même si ce n'est pas une bonne solution, réponds-je, il vaut mieux les brûler. Si tu les enterres, tes enfants, petits enfants et même au delà en trouveront des morceaux en creusant la terre. Les plastiques peuvent mettre des centaines d'années à disparaître dans la nature, c'est fait avec du pétrole et...
-Ah bon ? du mazout ? , justement je me demandais comment c'était fait..."
Yves vient à ma rescousse et s'ensuit une longue explication sur le pétrole brut, la pétrochimie, tout ce qu'on peut faire avec le pétrole, même des tissus (Niniam n'en renvient pas, ça lui donne l'occasion de tripoter mon short), la pollution...les oiseaux et poissons qui en meurent... nous paraissons bien doctes Yves et moi mais Niniam semble subjugué. Toujours est il que lorsque que nous traverserons à nouveau le village en sa compagnie, Niniam pointera le doigt sur tous les seaux et cuvettes en plastique répétant "mazout, mazout..."
Nous n'en sommes pas encore là, ça commence à grimper sérieusement, sans Niniam nous n'aurions jamais trouvé le chemin et même avec lui, on ne peut pas franchement parler de sentier. Niniam taille les branches et coupe des troncs à coup de machette  pour permettre notre progression... "ce n'est pas facile dit-il car il y a eu des glissements de terrains, le chemin a disparu" Ah, je me disais aussi...
Partis pour 2 heures, nous marchons-glissons pendant 5, mais bien sûr l'effort vaut le coup ; l'île est belle, la forêt magnifique, la vue splendide


Niniam

Borne marquant une propriété



progression plus ou moins aisée dans la forêt





Plus on monte, plus la vue se dégage


dans les hauteurs on s'assoit dans un abri

pour se livrer à un long moment de contemplation
 p
coté baie




puis coté large, on distingue Vanua Lava et Motalava à gauche


Et en plus les gens ont l'air heureux. Les enfants en particulier, quand il n'y a pas école, passent leur temps à jouer dans l'eau ; on les entend rire du matin au soir, ils organisent des joutes en pirogue, partent librement pagayer dans la baie très protégée. Les plus grands vont de temps en temps aider les parents dans les jardins;
 En dehors du dimanche, les parents restent toute la journée dans la montagne à entretenir leur jardin et redescendent vers 15 heures (pour la sortie des classes) chargés de fruits, de légumes et de bois pour la cuisine. Je comprends enfin pourquoi beaucoup de villages nous ont paru déserts le matin ou en début d'après midi. 



Vers 15h les adultes reviennent des champs 

Les petits qui ne vont pas à l'école aident aussi


Et même les plus grand le samedi


le matin certains longent Téthys pour se rendre dans leur jardin, de l'autre coté de la baie
d
des enfants rapportent un chargement de noix de coco








les enfants sont toujours souriant


nous passons du temps à les regarder jouer


le plus souvent avec des pirogues


les ados jouent à la bataille navale

pendant des heures le soir...




et les petits ne sont pas en reste


En tout cas quand nous revenons de notre randonnée, un comité d'accueil nous attend, fait de John, sa  femme Rose et Evelyne (dont le mari très discret a une fonction dans le Comité de la Barque).
Ils nous annoncent que demain dimanche une cérémonie est prévue à notre intention pour nous remercier de la remise en état du bateau.  On va boire du kava (yeah !) et diner ensemble.  
Je suis quand même émue quand nous arrivons le soir. Une table et 2 chaises ont été dressées pour nous deux. Une grande bâche étendue par terre  va servir de table à toutes les familles des membres du comité qui partagent le repas. Je sais qu'Evelyne et la femme de Jackson ont cuisiné tout l'après midi. Au menu du "lap lap" (fruit de l'arbre à pain cuit dans le lait de coco) de l'igname et des patates douces sautées, un peu de poisson, des coquillages en sauce (beurk je ne sais pas ce que c'est) et des crevettes d'eau douce (j'ai lu qu'elles étaient pleines de parasites et qu'il fallait éviter d'en manger...)
Mais avant tout cela le chef du Comité fait un beau discours. Je crois quand même qu'ils se rendent compte que Yves a fait du bon boulot... on reçoit 2 cadeaux, une sculpture en bois faite par un artiste du village et un très joli panier tressé, plus deux énormes colliers de fleurs . Je suis vraiment troublée quand je dois y aller de mon petit discours en anglais, ces Ni-van sont merveilleux, tellement simples et gentils, j'ai du mal à trouver mes mots.
C'est ainsi qu'on va se quitter, sur un trop plein d'émotions. Nous appareillons le lendemain matin; avant nous le banana boat, fièrement piloté par Jackson part pour Sola avec quelques passagers.  Comme il longe le bord de Téthys nous leur balançons presque tous nos cirés et des cordages, autant de matériel indispensable qu'il n'ont pas...
Notre périple au Vanuatu touche à sa fin, comme à Mopélia nous laissons une part de nous même ici, d'autant plus que le prochain bébé mâle à naître s'appellera Yves et la prochaine petite fille Yvwife, car Brigitte est trop difficile à prononcer... je ne me pardonne pas d'y être restée si peu de temps.



dans la montagne nous avons remarqué une jolie case tout juste terminée

avec une entrée en 1/2 étage


le jeune propriétaire termine juste le nettoyage




elle a l'air bien confortable




cuisson du fruit de l'arbre à pain sur feu de bois



On récupère la chair


on la pile

ça fait une purée qu'on assaisonne au lait de coco  : c'est le délicieux lap-lap, plat traditionnel


quand des familles se réunissent pour un dîner collectif

douceur du crépuscule
Nous sommes partis... dernier regard sur l’île volcan  volcan de Ureparapara




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