Imaginez un énorme volcan de 8 km de diamètre
culminant à 760 mètres, tout droit sorti des flots mais dont l'un des flancs
s'est affaissé, permettant à l'océan de s'y engouffrer. Ainsi s'est formée la
baie de Douloup, longue de 3 km au fond de laquelle, derrière une jolie plage
et de beaux palétuviers se dissimule le village de Léséréplag.
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la baie de Douloup |
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Le mouillage quand il fait beau.... |
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au fond du fjord, devant le mouillage, le village de Léséréplag, aussi appelé Dive Bay Village |
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le village de Léséréplag, aussi appelé Dive Bay Village |
Sous une pluie battante qui
nous permet à peine de voir les flancs du volcan, et juste en même temps qu'un
monocoque norvégien, nous entrons dans la baie, pas fâchés de pouvoir nous
mettre à l'abri.
Toute la journée, sans
discontinuer les trombes d'eau se succèdent, mais qu'importe, très vite une
pirogue nous aborde : Niniam un homme d'une cinquantaine d'années vient à bord.
Il veut nous prévenir qu'il ne faut surtout pas débarquer car les chefs sont
absents du village, partis construire 2 cases-cuisines pour les professeurs. Comme
bien souvent, l'école, je devrais dire le centre scolaire, est bâti le plus
loin possible du village au milieu de la forêt, un bonne façon d'entretenir une
ambiance studieuse, les enfants ne sont pas perturbés par les villageois.
Autrement dit les chefs sont
loin, on ne sait pas quand ils vont rentrer. Il y a 9 chefs ici, explique
Niniam (pour 200 habitants c'est pas mal...) dont un super chef, représentant
de l'état, dont il explique à mots couverts qu'il garde tout ce qu'on lui donne
pour lui et ne partage jamais (y compris les subsides du gouvernement...) Ok,
message reçu, en attendant mieux nous échangeons quelques vêtements et un bout
pour la pirogue contre quelques tomates et de drôles de courges molles... Puis
Niniam s'en va faire la même chose avec les Norvégiens, il n'a pas de temps à
perdre car ils s'en vont dès demain matin.
Il pleut toujours aussi fort
mais cela n'empêche pas une autre pirogue d'approcher, celle là m'étonne, elle
n'a pas de balancier et ressemble plus à un canoë. C'est une pirogue des
Salomon me dit John son propriétaire. Il
ajoute aussitôt, je suis chef au village et je viens vous souhaiter la
bienvenue. John est très jeune, il a une bonne tête et bien qu'il dégouline
d'un jus marron issu de sa pirogue, je l'invite à s'assoir dans le cockpit. On
se présente, il explique vaguement pourquoi il n'est pas avec les autres, puis
de but en blanc annonce, j'ai une demande à faire à ton mari. Yves est tout
ouïe "voilà, on a un problème avec notre barque communautaire qui nous
permet d'aller à Vanua Lava, l'île la plus proche où se trouve la capitale
Sola"
Il est vrai que Ureparapara est toute seule au
milieu de rien il n'y a pas d'aéroport, pas de liaison téléphonique, encore
moins internet. Un cargo basé à Santo, appartenant à un Chinois, vient quand il
a le temps récupérer le coprah (le seul moyen de gagner de l'argent) et à cette
occasion apporte des denrées alimentaires de base comme le sucre, le riz, la
farine ou le savon.
Et justement il n'y a plus rien de tout cela dans l'ile. Il
faudrait aller ravitailler à Sola distante de 27 milles, mais la barque, leur
"banana boat" comme il l'appelle est trop abîmée pour naviguer...
suivez mon regard. Yves laconique répond "demain on débarque et on ira
voir cela, tu passes nous chercher à 8h." Je conviens d'apporter tout ce
qui me reste de provisions en riz, sucre farine et savon + des vêtements que
John a promis de partager.
Le lendemain sous un soleil
généreux et dans une liesse générale tout ce que j'apporte est effectivement partagé,
John ne garde rien pour lui. Il a hâte de montrer les dégâts sur la barque en
polyester . Même si les bras lui en tombe, Yves se sent obligé de faire quelque
chose : la barque est un "don de la République française - Liberté,
égalité, fraternité" Moralement nous sommes coincés, il faut assurer.
Oh, c'est juste 2 jours et
demi de boulot, sous le cagnard et le regard fort intéressé du "comité de la Barque
Communautaire", comprenez un
président, un pilote Jackson, John, Patrick... et bien d'autres, tous trop
fiers de se présenter. Déjà ils ont une petite génératrice qui permet à Yves de
manier la ponceuse....car il y a 3 énormes fentes dans la structure à réparer et
surtout tout le tableau arrière qui ploie sous la poussée des 2 moteurs de 30
chevaux. Des réparations ont déjà été effectuées mais avec des matériaux
"merdiques et sans ponçage" (dixit Yves) et ça ne tient pas.
Yves fait couler beaucoup de
sueur et de résine (ici elle prend vite avec la chaleur) il enduit et installe
plein de tissus de verre et même en carbone (on n'a plus que cela) après avoir
longuement poncé et préparé le travail ce qui ne manque pas d'étonner le public
de plus en plus nombreux.
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Débarquement sur la plage |
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juste au pied des premières case |
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200 personnes environ vivent ici |
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maisons bien entretenues |
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Dive Bay est un joli village |
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le sable est ratissé tous les jours devant les cases |
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chaque famille possède une ou plusieurs pirogues |
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qu'ils ont l'air de se prêter facilement les uns aux autres |
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Mais curieusement tous préfèrent utiliser ces pirogues simples |
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c'est la première fois que nous en voyons au Vanuatu |
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en fait ce sont des pirogues des Salomon |
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Il faut dire que les Salomon se trouvent à 120 milles d'ici |
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sans doute plus maniable que des pirogues à balancier |
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A bord de celle ci est arrivé un criminel des Salomon qui voulait se cacher à Ureparapara. Il a finalement été renvoyé chez lui et emprisonné
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Nous prenons le chemin de l'école, c'est simple |
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il faut longer tout le fond de la baie sur la plage
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Cela prend 20 minutes environ, nous sommes loin du village effectivement |
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on voit qu'il y a eu une aide internationale |
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les élèves de maternelle |
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Sur le chemin du retour j'achète ces graines |
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cuites à l'eau, elles ont goût de châtaignes |
Entre temps, il nous arrive une drôle
d'histoire. Nous avons, sans le savoir traversé le terrain du grand chef
Nicholson (représentant de l'Etat) et surtout nous sommes allés fouiner (sans
savoir que cela lui appartenait) dans une baraque où se trouvait un générateur
puissant (mais en panne) qui aurait été mieux adapté aux outils de Yves. En
gros on a commis un crime de lèse-majesté, il faut s'excuser. C'est John qui se charge de cette acrobatie
diplomatique. Il faut boire le kava ensemble, lui en offrir un plein seau, plus
un petit billet (quand même!)
Je ne vous décris pas toutes
les complications de la préparation du kava, du premier coup qu'on boit avec
John mais sans le chef et après , juste avant le coucher du soleil, on doit
arriver par derrière la maison du chef, traverser une rivière sur un tronc
glissant et demander pardon au chef. Je t'en foutrais moi du pardon, mais faut
pas rire. Le chef attend, debout avec sa canne de chef et son pendentif en dent
de cochon. .. John prend la parole, puis je m'incline et présente mes excuses
au nom de la méconnaissance des coutumes.... Nous donnons le seau de kava
accompagné d'une enveloppe avec 1000 vatu (7.70 €) et un paquet de cigarettes.
Cela plait beaucoup, le chef pardonne, Yves a droit a une belle dent de cochon
et la femme du chef me donne un beau collier de graines. L'affaire est close,
on se casse. On part tous les trois à bord boire du kava... on va finir par
aimer ça !
Un matin il fait si beau
qu'on s'accorde quelques heures de récréation pour aller au sommet de la
montagne. Niniam nous sert de guide, nous commençons par traverser un grand
pâturage où traîne une bâche en plastique. Niniam râle
- "je n'aime pas ça, je
ne sais pas s'il faut les brûler ou les enterrer pour s'en débarrasser
- tu sais, même si ce n'est
pas une bonne solution, réponds-je, il vaut mieux les brûler. Si tu les enterres,
tes enfants, petits enfants et même au delà en trouveront des morceaux en
creusant la terre. Les plastiques peuvent mettre des centaines d'années à
disparaître dans la nature, c'est fait avec du pétrole et...
-Ah bon ? du mazout ? ,
justement je me demandais comment c'était fait..."
Yves vient à ma rescousse et
s'ensuit une longue explication sur le pétrole brut, la pétrochimie, tout ce
qu'on peut faire avec le pétrole, même des tissus (Niniam n'en renvient pas, ça
lui donne l'occasion de tripoter mon short), la pollution...les oiseaux et
poissons qui en meurent... nous paraissons bien doctes Yves et moi mais Niniam
semble subjugué. Toujours est il que lorsque que nous traverserons à nouveau le
village en sa compagnie, Niniam pointera le doigt sur tous les seaux et cuvettes
en plastique répétant "mazout, mazout..."
Nous n'en sommes pas encore
là, ça commence à grimper sérieusement, sans Niniam nous n'aurions jamais
trouvé le chemin et même avec lui, on ne peut pas franchement parler de
sentier. Niniam taille les branches et coupe des troncs à coup de machette pour permettre notre progression... "ce
n'est pas facile dit-il car il y a eu des glissements de terrains, le chemin a
disparu" Ah, je me disais aussi...
Partis pour 2 heures, nous
marchons-glissons pendant 5, mais bien sûr l'effort vaut le coup ; l'île est
belle, la forêt magnifique, la vue splendide
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Niniam |
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Borne marquant une propriété |
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progression plus ou moins aisée dans la forêt
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Plus on monte, plus la vue se dégage |
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dans les hauteurs on s'assoit dans un abri |
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pour se livrer à un long moment de contemplation |
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coté baie
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puis coté large, on distingue Vanua Lava et Motalava à gauche |
Et en plus les gens ont l'air
heureux. Les enfants en particulier, quand il n'y a pas école, passent leur
temps à jouer dans l'eau ; on les entend rire du matin au soir, ils organisent
des joutes en pirogue, partent librement pagayer dans la baie très protégée.
Les plus grands vont de temps en temps aider les parents dans les jardins;
En dehors du dimanche, les
parents restent toute la journée dans la montagne à entretenir leur jardin et
redescendent vers 15 heures (pour la sortie des classes) chargés de fruits, de
légumes et de bois pour la cuisine. Je comprends enfin pourquoi beaucoup de
villages nous ont paru déserts le matin ou en début d'après midi.
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Vers 15h les adultes reviennent des champs |
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Les petits qui ne vont pas à l'école aident aussi |
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Et même les plus grand le samedi
le matin certains longent Téthys pour se rendre dans leur jardin, de l'autre coté de la baie |
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des enfants rapportent un chargement de noix de coco |
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les enfants sont toujours souriant |
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nous passons du temps à les regarder jouer |
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le plus souvent avec des pirogues |
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les ados jouent à la bataille navale |
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pendant des heures le soir... |
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et les petits ne sont pas en reste |
En tout cas
quand nous revenons de notre randonnée, un comité d'accueil nous attend, fait
de John, sa femme Rose et Evelyne (dont
le mari très discret a une fonction dans le Comité de la Barque).
Ils nous annoncent que
demain dimanche une cérémonie est prévue à notre intention pour nous remercier
de la remise en état du bateau. On va
boire du kava (yeah !) et diner ensemble.
Je suis quand même émue
quand nous arrivons le soir. Une table et 2 chaises ont été dressées pour nous
deux. Une grande bâche étendue par terre
va servir de table à toutes les familles des membres du comité qui partagent
le repas. Je sais qu'Evelyne et la femme de Jackson ont cuisiné tout l'après
midi. Au menu du "lap lap" (fruit de l'arbre à pain cuit dans le lait
de coco) de l'igname et des patates douces sautées, un peu de poisson, des
coquillages en sauce (beurk je ne sais pas ce que c'est) et des crevettes d'eau
douce (j'ai lu qu'elles étaient pleines de parasites et qu'il fallait éviter
d'en manger...)
Mais avant tout cela le chef
du Comité fait un beau discours. Je crois quand même qu'ils se rendent compte
que Yves a fait du bon boulot... on reçoit 2 cadeaux, une sculpture en bois
faite par un artiste du village et un très joli panier tressé, plus deux
énormes colliers de fleurs . Je suis vraiment troublée quand je dois y aller de
mon petit discours en anglais, ces Ni-van sont merveilleux, tellement simples
et gentils, j'ai du mal à trouver mes mots.
C'est ainsi qu'on va se
quitter, sur un trop plein d'émotions. Nous appareillons le lendemain matin;
avant nous le banana boat, fièrement piloté par Jackson part pour Sola avec
quelques passagers. Comme il longe le
bord de Téthys nous leur balançons presque tous nos cirés et des cordages,
autant de matériel indispensable qu'il n'ont pas...
Notre périple au Vanuatu
touche à sa fin, comme à Mopélia nous laissons une part de nous même ici,
d'autant plus que le prochain bébé mâle à naître s'appellera Yves et la
prochaine petite fille Yvwife, car Brigitte est trop difficile à prononcer... je
ne me pardonne pas d'y être restée si peu de temps.
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dans la montagne nous avons remarqué une jolie case tout juste terminée |
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avec une entrée en 1/2 étage |
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le jeune propriétaire termine juste le nettoyage |
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elle a l'air bien confortable |
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cuisson du fruit de l'arbre à pain sur feu de bois |
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On récupère la chair |
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on la pile |

ça fait une purée qu'on assaisonne au lait de coco : c'est le délicieux lap-lap, plat traditionnel
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quand des familles se réunissent pour un dîner collectif
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douceur du crépuscule |
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Nous sommes partis... dernier regard sur l’île volcan volcan de Ureparapara |
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