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UN ATOLL PAS COMME LES AUTRES

 

Et bien ça y est, on quitte Taravao le 4 septembre, cap au nord vers Makatea, l'île des Tuamotu la plus proche de Tahiti.

Juste avant d'appareiller j'ai couru à la poste car je voulais envoyer 2 cartes postales. Comme dans tous les locaux administratifs, on applique fermement les consignes de sécurité : port du masque, lavage des mains, distanciation, tout le monde fait bien attention.

Au guichet on me vend 2 timbres non autocollant. J'ai mes 2 cartes postales dans une main, les 2 timbres dans l'autre, quelques secondes passent, rien. Alors devant la postière impavide, j'enlève mon masque, je me crache sur les doigts, enduis les timbres de salive et les colle sur la carte. Vlan ! vlan ! 2 coups de tampon et les cartes partent dans la boite. Apparemment je n'ai choqué personne.

Jules a 25 ans 

Nous comptons arriver à Makatea en 24 heures, mais nous devons louvoyer sans cesse pour avancer contre le vent qui ne souffle pas comme prévu et naviguons 40 heures pour parcourir les 150 milles qui séparent les deux îles. Mais en vrai de vrai on en parcourt 240...

Evidemment on arrive de nuit, on sent l'île avant de la voir, c'est le parfum délicieux dégagé par les fleurs de Kahia, (Guettarda speciosa) typiques des Tuamotu.

Makatea, atoll soulevé

Makatea est une île étrange, un atoll soulevé comme il en existe un soixantaine dans le monde, par exemple Niué.

Tout droit surgie des grands fond, l' île s'élève jusqu'à 116 mètres au dessus de la mer ; on mesure une profondeur supérieure à 50 mètres à moins de 20 mètres du bord. Autant dire qu'on ne peut pas ancrer, la seule possibilité est de prendre un des quelques corps morts mis à la disposition des plaisanciers le long du bord.

On est vraiment près du récif

Malgré la lune presque pleine, on cherche en vain une bouée à laquelle s'accrocher. On repère 2 voiliers balancés par la houle, mais rien de plus. Il est 4 heures du matin, mieux vaut rester en dérive jusqu'au lever du jour.

Le cargo appelée goélette, reste en panne au large

Le fret est débarqué par chaland

dans la minuscule darse

On peut alors reprendre les recherches d'une bouée, sur les 5 qui se trouvaient là il y a 2 ans, deux ont disparues, c'est avec soulagement qu'on s'amarre à la dernière disponible.


Des travaux sont en cours pour améliorer le petit port

Nous avons choisi de venir ici à cause des baleines qui sont censées venir nombreuses le long de la côte

Joli point de vue sur la darse du haut de l'île
.Pendant notre séjour on ne peut pas dire qu'on ne voit pas la queue d'une baleine, si, on voit une queue, quelques dos, mais surtout on les entend. Les saloperies de bestioles  trouvent  le moyen de longer Téthys presque toutes les nuits, on entend leur souffle, tout proche, on a l'impression qu'en tendant la main par un hublot on va les toucher, mais on ne voit rien car il fait nuit noire...
Double pattes et patachon

Petit à petit on se fait happer par la douceur de vivre de Makatea.

Le dimanche soir, le maire et sa famille prennent le frais à marée montante

Promenades en forêts, visite des vestiges industriels, nage dans les grottes de calcaire, séances d'apnée dans les eaux transparentes bourrées de poissons qui entoure Téthys et rencontres diverses.


on a défriché la forêt autour des vestiges industriels

résultat, un herbe envahissante pousse à la place

ça pique on en a plein les godasses


on préfère quand la forêt recouvre les ruines, c'est plus mystérieux






descente dans la grotte
On nage dans la rivière souterraine

Autant de merveilles déjà décrites et photographiées il y a quelques années.

on renoue avec l'eau claire

Jules prend le temps d'interviewer Julien Mai, maire délégué de la commune depuis 1995.


100 mètres de route en béton coulé devant la mairie

Monsieur le maire prend des photos des travaux

Un vrai personnage qui parle avec emphase du passé et de l'avenir de son île.

Le port de Makatéa au temps de la CFPO
Pendant 60 ans de 1906 à 1966 la CFPO, Compagnie Française des Phosphates de l'Océanie, a éventré le sous sol pour extraire le phosphate.


Le seul et unique train de Polynésie


"déco" devant la mairie

Monsieur Mai voudrait relancer cette exploitation, un industriel australien se montre intéressé mais la population s'y oppose. Le Covid a figé le débat et les 95 habitants paraissent couler ici des jours heureux et paisibles.

Plus de la moitié de l'île est percée de milliers de trous comme celui ci

Quelques personnes font du maraîchage, élèvent des poules, cela ajouté aux nombreux fruits qui poussent tout seuls et aux poissons du large, on peut dire que les besoins primaires de la population sont comblés.

cultures maraîchères

J'achète légumes et œufs chez Mata

Simon vend des Kaveus ou crabes des cocotiers

Et puis surtout les touristes commencent à venir nombreux. L'Aranui 5 a déversé jusqu'à 200 personnes à la fois sur Makatea. Dans ce cas toute la population est mobilisée. Une nouvelle activité se développe, l'escalade, qui semble faire fureur.



Faut dire que l'île ne manque pas de falaises à grimper

Autrement dit le rêve des habitants : vivre de l'éco-tourisme semble se réaliser.

A coté de nous sur les autres bouées, différents voiliers, des catamarans pour la plupart, viennent s'amarrer. Un jour un gros monocoque de 18 mètres de long, genre vieux gréement à deux mâts vient s'installer près de nous. Il s'agit de Kanaga (kanaga.fr) un gros barlu en ferrociment qui promène quelques touristes dans l'archipel.

A son bord Hervé le patron qui a passé 4 ans sur la Fleur de Lampaul, sa femme Laetitia et leur petite fille Taina (fleur). Il se trouve que Laetitia a travaillé avec AK à Océanopolis il y a déjà pas mal d'années...Nous n'en revenons pas de nous rencontrer ainsi au bout du monde...

Laetitia dans le carré de Kanaga

 

Au hasard de nos promenades nous rencontrons Elisabeth et Elie, deux retraités polynésiens, respectivement de la poste et de l'éducation nationale, qui vivent quasi en autarcie dans leur jardin d'Eden :

La vallée dans laquelle habitent Elisabeth et Elie

La vue depuis leur faré (maison)

Face à l'Océan, dans une cocoteraie, de jolies petites maisons bâties sur le corail.


Derrière celles ci un jardin improbable où Elisabeth fait TOUT pousser.
"Le jardin" derrière
 


fruit de l'arbre à pain, le uru

je fais mes courses...



Des patates douces au romarin, en passant par les figues et le basilic, salades, poivrons, tomates, aubergines, ananas, goyaves, mangues bananes...vraiment il y a tout et à profusion à cause du terrain naturellement riche en phosphate.
Elie

Elisabeth

Nous passons de longues heures en leur compagnie, à siroter de la citronnade et de l'eau de coco tout en devisant sur les relations franco-polynésiennes.

la maison principale

Intérieur joliment aménagé, sol en corail mort,
 gros contraste avec les faré typiques des Tuamotu

Chambre d'amis

salle d'eau

Le faré des Tuamotu, c'est plutôt ça

Elisabeth et Elie ont à peu près notre âge et nous racontent en rigolant comment ils ont appris que leurs ancêtres étaient gaulois, comment ils aimaient bien lire les histoires de Du Guesclin et autres chevaliers. Bref ils avaient les mêmes livres d'Histoires que les nôtres et on ne leur enseignaient rien de la Polynésie.

Tout comme en Bretagne au XIXème ou début du XXème siècle, il était interdit de parler sa langue à l'école. Le premier enfant qui lâchait un mot de polynésien devait garder en main un coquillage qu'il refilait dès que possible au premier copain qui en faisait autant, et ainsi de suite toute la journée. A la fin des cours celui qui tenait le coquillage était puni : il restait un certain temps agenouillé sur une petite baguette en bois rond....

Tout cela a changé bien évidemment et on ne perçoit aucune rancune dans leur propos.

Avec eux on apprend plein d'anecdotes sur la vie au temps des essais nucléaires.

Entre autre les mamans qui poussaient leur filles à roder le long du mess des officiers, histoires d'avoir des bébés aux yeux bleus et peut être même épouser un "Farani" (Français).

La cuisine

Finalement on en vient à parler "bouffe" et spécialités culinaires. Jules semble très intéressé par le "fafaru".

Ah, ah le fafaru, voici la recette : prenez de l'eau de mer du large que vous mettez dans une bouteille avec 2 pattes de langouste. Au bout de 2 semaines quand les pattes flottent en surface, l'eau est bien pourrie et sent l'urine. Dans ce liquide faites macérer du poisson quelques heures, dégustez en faisant beaucoup de bruit de bouche ; slurp slurp 


Et oui, on a essayé, car Elie et Elisabeth finissent par nous convier à manger, le repas se déroulant entre 15 et 17 heures je ne sais pas comment l'appeler.


En tout cas on se régale bien, Yves et Jules font honneur au fafaru, moi franchement j'avale un bout, mais je me précipite sur le poisson cru et le uru (fruit de l'arbre à pain) au lait de coco pour passer le goût.

le "salon"

Les Polynésiens mangent à la main et mélangent tout dans leur assiette : poissons, légumes, corned beef et fruits cuits dans le lait de coco (poe).



Nous quittons Makatea, Elisabeth et Elie avec beaucoup de regrets, nous avons beaucoup appris sur la Polynésie avec eux, mais nous partons avec plein d'interrogations, il nous reste tant de questions à leurs poser !


Nous partons faire un tour dans quelques atolls des Tuamotu, au moins jusqu'à Fakarava où Jules doit nous quitter. Mais c'est une autre histoire.

 


 



















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