Notre cher Spectra marche parfaitement alors que Yves n'y a pas encore touché. Nous essayons de comprendre et subodorons que le dit engin n'aime pas la mer. Ou plus exactement il n'aime pas les vagues ou la vitesse ou les deux. La meilleure façon de vérifier cette intuition est de partir naviguer, ce que nous faisons samedi 19 décembre.
Un matin à 7 heure ce jeune garçon descend tranquillement l'échelle de quai, donne un coup de harpon dans l'eau... |
... et ramène ce gros mérou , ça dure moins de 2 minutes, incroyable |
Tôt ou tard il
va falloir démonter l'engin et changer les pièces défectueuses, cela représente
plus de 2 jours de travail très délicat, Yves y va franchement à reculons,
normal.
Ce serait à
refaire, Yves ne choisirait pas ce type de machine, Schenker ou Spectra, le
système de pompe Clark est beaucoup trop fragile et demande trop d'entretien.
D'ailleurs très peu de voiliers en ont. La plupart des navigateurs choisissent
des dessalinisateurs avec des pompes haute pression plus gourmandes en énergie
qui les obligent à faire tourner leur moteur ou des générateurs pour
"fabriquer" de l'eau alors que la notre est produite uniquement par
l'énergie solaire et éolienne, ce dont nous nous enorgueillissons.
Bref, nous nous plaisons beaucoup à Toau, tout autour de la passe le corail dessine de jolies baies aux couleurs magnifiques. Cependant nous revenons à Fakarava dès le 23 décembre, jour du dernier passage de l'année du "Cobia 3", la goélette qui ravitaille l'île depuis Tahiti.
Quarante voiliers se serrent devant le village de Rotoava. Le temps exécrable ne nous empêche pas de manœuvrer pour trouver une place le long du quai. Là au moins il nous sera facile de charger les 17 colis de vivres que nous avons commandés à un supermarché de Papeete. C'est que nous allons naviguer dans des contrées sauvages... à 5 pendant 10 semaines...il fallait que je prévois l'essentiel.
Attendu pour 10 heure, Le Cobia 3 se pointe enfin vers midi. Tous les habitants de l'atoll et tous les plaisanciers l'attendent sur le quai.
Avec ou sans masque, tout le monde se tasse en respectant de temps à autre la fameuse distanciation. Des reporters de Nexflix filment tout le débarquement.

Dans le plus grand calme nous observons tous le laborieux déchargement de la goélette par 2 transpalettes qui vont s'activer pendant des heures :
des sortes de grands paniers en ferraille remplis de colis sont apportés un par un au milieu de la foule.A chaque fois on s'agglutine tous autour pour repérer nos noms sur les cartons, chacun prend son dû, il n'y a aucun contrôle, aucun heurt non plus, on se sert et puis on s'en va.
Nous finissons pas repérer nos colis, coup de chance, l'ensemble se trouve dans le même panier, avec "Tethys" noté dessus, rien d'autre, même pas notre nom. De toute façon je n'ai aucun papier ni bordereau prouvant quoi que ce soit, je n'ai d'ailleurs même pas de facture, j'ai juste payé un acompte, sans justificatif, à la bonne franquette quoi !Ce n'est qu'à 16 heure que nous finissons de déballer et d'embarquer toute notre commande. Il est temps de partir pour Apataki où nous espérons passer un Noël tranquille.
La météo ayant prévu un temps changeant et mitigé avec plutôt des vents de nord, nous allons nous abriter sous le vent d'un motu au nord du lagon d'Apataki après une nuit de navigation.
Dès le 24 décembre le vent tombe complètement. Seuls au monde nous passons Noël dans le plus grand silence. Les jours suivant nous profitons du calme plat pour explorer la côte ouest de l'atoll que nous ne connaissons pas encore.
Eau claire, palette de bleus, corail rosé, nous allons de découvertes en découvertes fabuleuses. Nous nous abritons derrière un îlot entourée d'une langue sableuse sur lequel pousse du corail rose en cercles parfaits.
Il fait extrêmement chaud, au plus tard à 11h00 on se jette à l'eau pour rendre visite aux poissons, surtout des bancs de perroquets multicolores et on barbotte le plus longtemps possible entre les pâtés de coraux car la chaleur est insupportable jusqu'à 16 heures.Il faut rester soit dans l'eau soit dans le carré en essayant de capter le moindre petit filet d'air rafraichissant qui passe par les hublots.
Bon, vous le voyez, on a craqué sur les perroquets....![]() |
Comme nous sommes absolument seuls nous ne risquons pas d'être dérangés. Au loin, à peut être un mille du bateau nous apercevons la nuit une lumière, signe qu'il y a des habitants.
Presque en face de Téthys, entre les cocotiers on distingue vaguement une baraque, mais rien ne bouge. De toute façon on reste à bord tant que le Spectra n'est pas réparé. Nos réserves d'eau s'épuisent, à la moindre averse j'étale tous les seaux sur le pont, ça ne donne pas grand chose, nous devons entamer les bidons de réserve, prêts à être embarqués sur le canot de survie en cas de naufrage. Ambiance.Deux jours
plus tard, dans un silence de plomb, Yves remet le Spectra en marche. L'engin veut
bien démarrer mais sur l'affichage digital on lit que la salinité ne baisse pas
et reste supérieure à 875 PPM (Particules Par Million = mg de sel/Litre), l'eau n'est donc pas
potable, rien n'arrive dans les réservoirs, ça dure5, 10, 15 minutes, au bout
de 20 minutes le système se met automatiquement en panne. On n'ose plus se
regarder, Yves se replonge dans le manuel, repasse en boucle tous les démontages
et remontages qu'il vient d'effectuer et puis d'un coup la salinité descend,
très doucement, 800, 750, et à 736, hop, l'eau commence à partir dans le
réservoir. Et la salinité descend, descend, jusqu'à 300. On a gagné LE DESSAL
FONCTIONNE. (Pour ceux que ça intéresse,
l'eau de mer est à 33000 PPM)
Trop préoccupés par nos soucis, nous remarquons seulement maintenant que de la fumée sort de la forêt, près de la cabane proche de nous et une petite barque repose sur la plage juste devant. Aussitôt nous allons rendre une visite de courtoisie à ces nouveaux voisins. Hieariki, Lionel et leur 5 chiens nous réservent le meilleur accueil.
Après les présentations nous allons marcher ensemble sur la grève au vent, Hieariki me ramasse plein de coquillages, puis de retour chez eux, nous nous asseyons sous l'auvent de leur maison avec vue sur le lagon.
Hieariki et Lionel vivent ici, en vrai, tous seuls sur ce motu dont ils exploitent les cocotiers. Le village de Niutahi se trouve à 20 milles, il leur faut 1h30 pour s'y rendre alors bien sur ils y vont le moins souvent possible, juste pour ravitailler. Ex-installateur de panneaux solaires, Lionel possède un bon système électrique, il y a donc ici congélateur et machine à laver, cuisinière à gaz, tout le confort quoi. Les poules pour les œufs, le lagon pour le poisson, les cocotiers pour les crabes, la barrière de corail pour les langoustes, rien n'a changé dans la vie de nos hôtes si ce n'est que Hieariki à renoncé au suivi médical qu'elle effectuait régulièrement à Papeete. (je ne sais pour quelle maladie).
Nous
visitons leur belle cocoteraie très bien entretenue, leur plantation de
bananiers et papayers. Lionel explique qu'il souhaite planter de la vanille,
Hieariki sait la "marier" ils aimeraient bien en produire et la vendre.
Des amis leur ont promis des pieds de vanille depuis des mois, mais rien
n'arrive. Alors nous avons une idée.
Nous projetons de revenir à Apataki avec Annette et les Miaons, après être
passés à Makatea. Dans cet atoll fertile nous avons vu plusieurs plantations de
vanille. Nous proposons donc d'essayer d'en prendre là bas et de leur apporter,
sans rien promettre bien sûr.
La joie se
lit sur leur visage, j'espère vraiment qu'on y
arrivera.
J'ai apporté un paquet de biscuits pour l' échanger contre 5 noix de coco. J'en voudrais 3 à boire et 2 à manger. Aussitôt Lionel se rue sur sa machette et on se retrouve vite fait avec 18 noix de coco, on est obligé de l'arrêter.
18 noix de coco, ça prend de la place dans le frigo |
Au menu du
réveillon : poisson sauce coco, gâteau à la noix de coco, idem 1er janvier, noix de coco, noix de coco,
noix de coco, vivement que nous soyons 5...
A l'année
prochaine,
les bienheureux des antipodes
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